jeudi 1 mars 2012

La déontologie à deux niveaux



Nathalie Saint-Cricq, rédactrice en chef du magazine "Des paroles et des actes"

Alors que la campagne électorale bat son plein, il est intéressant de se poser la question de la neutralité des médias du service public.

Cette réflexion, de plus en plus de gens en France se la posent, et bien plus après la calamiteuse émission de France 2 « Des paroles et des actes » de la semaine passée où l'invitée principale était Marine Le Pen.

A cette occasion, on a pu être choqué de voir Nathalie Saint-Cricq s'en prendre avec une violence à peine contenue à la présidente du FN ou bien monsieur Pujadas y aller de ses réflexions mouillées d'acide dans le prolongement des propos tenus par cette même responsable politique. Très clairement et c'est choquant, à l'occasion de ce débat, nous avons pu remarquer que ces deux journalistes ne glisseront pas dans l'urne un bulletin pour ce parti au mois d'avril.

Peu importe que l'on soit sympathisant du FN ou non. Cette réflexion, nous pouvons aussi l'exprimer à propos de n'importe quel parti politique.

La seule question à se poser est bien celle de savoir si un média financé par l'argent public, c'est à dire par l'argent de tous les contribuables français (rappelez-vous la petite case que l'on coche ou non sur la déclaration des revenus …) peut servir à promouvoir ou a contrario détruire les idées politiques des candidats.
Une telle question ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de débats lors de ces émissions, mais il me paraît essentiel que le journaliste du service public doit être neutre dans ses réflexions à l'antenne. Faut-il alors mettre en place un certain devoir de réserve comme on le trouve dans certains services de l’État, ou une charte déontologique ?

Il pourra m'être objecté que dans l'ancien temps, celui des années de Gaulle ou Mitterrand, les médias officiels étaient relativement muselés, la pensée du Prince en place étant distillée au bon vouloir du Château, et donc qu'aujourd'hui il est bon pour les journalistes des médias publics de prendre enfin une revanche sur les despotes en charge des affaires nationales.

C'est quand même oublier un peu rapidement qu'en ces temps là, les médias audio ou télévisuels sous financement entièrement privés n'existaient pas. Souvenons-nous des chasses aux sorcières qui succédaient aux élections présidentielles.

Le monde a changé.

La télévision privée s'est développée avec une rare énergie aux côtés de la télévision publique. Et les mêmes actions produisant les mêmes effets, nous assistons aujourd'hui à un réel cloisonnement idéologique des médias privés, en particulier audiovisuels. Citons Tf1 pour un bord, Canal pour un autre.

En réalité, ceci n'est pas choquant puisque les fonds les alimentant ne proviennent pas des caisses de l’État, et que le contribuable n'est pas l'actionnaire du conseil d'administration de ces sociétés.

Dès lors, plus que jamais, face à ce Yalta des médias privés, tout milite pour que les médias audio ou télévisuels publics expriment une relative neutralité dans le débat politique des élections à venir et qu'ils n'accompagnent pas en particulier l'actuelle violence des propos tenus par certains candidats.

On ne peut alors que souhaiter que le contribuable en aura alors pour son argent.